Expérimentation Croisement : des premiers résultats encourageants
Le croisement trois voies du troupeau bio de la ferme expérimentale de Trévarez a débuté en 2015. Les performances de reproduction et les taux progressent, ce qui compense une production laitière amoindrie.
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À la ferme expérimentale de Trévarez (Finistère), les chambres d’agriculture de Bretagne et Idele ont lancé, en 2015, un essai sur le croisement à partir du troupeau bio. En effet, ce sont surtout les herbagers et les bio qui expérimentent cette voie, avec des choix de races variés. Le troupeau de Trévarez, 60 holsteins à l’origine, est conduit en vêlages groupés à 2 ans, sur deux périodes de trois mois (printemps et automne). L’alimentation est largement basée sur le pâturage et la traite est robotisée. Croiser vise à produire des animaux adaptés au système, avec des taux, notamment du TP, un bon état corporel, une résistance aux mammites et une bonne fertilité. Il fallait aussi des mamelles aptes à la traite robotisée.
Le croisement entre plusieurs races permet d’additionner leurs qualités et de compenser leurs défauts. Un animal croisé profite de l’hétérosis : sa performance dépasse la moyenne de celles de ses deux parents. Cet effet bénéfique ne concerne que la première génération. D’où l’intérêt de poursuivre le croisement.
Le lait de la normande la rusticité de la jersiaise
À Trévarez, la holstein a été conservée en raison de son potentiel laitier. La normande a été choisie pour sa productivité et ses taux, sa fertilité et son format. La jersiaise devait apporter des taux, des membres solides, de bonnes mamelles, de la rusticité et de la précocité. En contrepartie, chacune de ces races présente des faiblesses : manque de taux et de fertilité pour la holstein, aplombs à surveiller pour la normande et petit gabarit pour la jersiaise. Pour cette dernière, la valorisation des veaux mâles constitue un problème supplémentaire.
En 2015, toutes les vaches du troupeau ont été génotypées, puis les holsteins ont été inséminées à parts égales avec des taureaux normands ou jersiais. Les femelles croisées (F1) ont ensuite été inséminées avec des doses normandes ou jersiaises. Les produits issus des trois races (G2) sont nés en 2018 et ont démarré leur première lactation en 2020. Ces animaux ont reçu une dose de taureau holstein et leurs filles (G3) sont entrées dans le troupeau en 2022.
Le croisement industriel est utilisé pour les vaches écartées du renouvellement. Chaque vache est toujours inséminée avec la même race. Cinq à six taureaux de chacune des trois races sont retenus. L’objectif est de conserver un bon potentiel laitier, avec des index fonctionnels positifs et des vêlages faciles. Pour aller plus vite, tout en évitant de faire naître des mâles difficiles à vendre, les doses sexées ont été privilégiées sur les génisses et les meilleures vaches.
Le taux de renouvellement a été volontairement fixé à un niveau élevé de 40 % pour accélérer la transformation du troupeau. Au bout de six ans, les holsteins pures ont disparu. Le troupeau de laitières comprend 15 % de G3, 58 % de G2 et 27 % de F1.
Comparées aux hoslteins pures, les croisées se montrent plus fertiles (voir ci-dessus). Les performances varient selon les types d’animaux, les croisées trois voies atteignant les meilleurs taux de réussite en première IA : 62 % pour les holstein × normande × jersiaise (29 génisses) et 59 % pour les holstein x jersiaise x normande (29 génisses). Avec 98 % de croisées dans le troupeau (moyenne entre 2019 et 2022), la part des vaches non vues en chaleur est tombée à 5 %. Elle s’établissait auparavant à 27 %. Grâce à ces progrès, la période d’insémination a pu être réduite de trois à deux mois.
Un âge au premier vêlage réduit de deux mois
Les observations réalisées sur 309 naissances d’animaux croisés montrent un maintien de la part de vêlages sans aide à 76 %, avec plus de primipares, de veaux femelles et de croisés viande. Le taux de mortalité des veaux reste stable aussi, à moins de 10 %. L’âge au premier vêlage a été réduit de deux mois pour passer à 25 mois, ce qui traduit de bonnes croissances. En effet, les génisses sont inséminées vers 15 mois, lorsque l’objectif de poids est atteint. Les plus légères sont décalées sur la période de vêlage suivante, ou réformées. La production laitière baisse sur les croisées. Les holstein × jersiaise produisent 3 813 kg de lait en première lactation contre 4 122 kg pour les holsteins. Elles progressent à 4 961 kg en deuxième lactation mais décrochent à 4 281 kg en troisième. Les hosltein × normande affichent un meilleur potentiel laitier qui rejoint même celui des holsteins en troisième lactation. Les premières croisées trois voies n’ont produit que 3 463 kg de lait en première lactation. Leurs performances à venir seront suivies de près. C’est en hiver que les croisées creusent l’écart, elles ne produisent que 12,1 kg/jour contre 16,1 kg/jour pour les holsteins. La production estivale est identique pour toutes les races à 17,3 ou 17,4 kg/jour. En revanche, le croisement apporte les résultats escomptés sur les taux. C’est particulièrement vrai pour les croisées jersiaises avec un TB allant de 48,4 à 52,1 et un TP de 32,9 à 35,2, selon les lactations. Ces chiffres s’élèvent respectivement à 42,5-45 et 32,6-33,1 pour les croisées normandes. Les G2 sont à 33,5 de TP et 47,7 de TB en première lactation. Cette richesse du lait compense la perte de volume. Le croisement améliore le produit lait grâce à un prix de vente supérieur de 36 €.
Mais la valorisation des veaux est pénalisée. Le prix moyen se limite à 91 € pour les croisés contre 126 pour les holsteins. Du côté des réformes, les croisées normandes sont nettement plus intéressantes aussi bien en matière de poids de carcasses que de classement ou de prix. Elles se négocient en moyenne à 1 211 € contre 984 € pour les holsteins et 723 € pour les croisées jersiaises. Il s’opère une compensation entre les différents profils raciaux, ce qui permet un maintien du produit viande. Ces tendances reposent sur des effectifs limités et devront être confirmées.
Les ingénieurs qui suivent ces essais jugent ces premiers résultats encourageants. Ils attendent les lactations suivantes, et notamment celles des G3 pour mieux caractériser l’intérêt du croisement.
Pascale Le Cann
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